Pour améliorer la communication parents-adolescents sur la sexualité au Burkina Faso, au Niger et au Mali, une étude a été menée dans le cadre du projet RESPECT. Dr Lalla Fatoumata Traoré, enseignante-chercheuse au département de santé publique à la Faculté de médecine et d’odonto-stomatologie de Bamako, qui l’a coordonnée au Mali, en livre les principales conclusions. Entretien.
Benbere : dans le cadre du projet RESPECT, vous avez coordonné une étude sur les pratiques de communication parents-adolescents sur la sexualité. Qu’est-ce qui en ressort ?
Lalla Fatoumata Traoré :Les adolescents ont des attentes quant à la participation de leurs parents pour les outiller en termes de compétence de vie sur les questions liées à la santé et aux droits sexuels et productifs (SDSR). Ils disent que, pour que le dialogue soit établi, les adolescents et les parents doivent pouvoir surmonter la gêne et la honte et avoir une perception positive de la communication sur la sexualité. C’est-à-dire sans jugement.
Quels sont les facteurs qui peuvent influencer la dynamique de la communication sur la sexualité entre les adolescents et leurs parents ?
D’abord, du côté des parents, ils devraient être des modèles. Nous ne pouvons pas interdire quelque chose à un enfant et faire la même chose devant lui. Il faut que les parents accordent de l’importance à ce qu’ils disent à travers leurs comportements vis-à-vis des enfants. Cela établit la confiance. Aussi, doivent-ils fournir des informations crédibles aux enfants. Une fois que l’enfant se rend compte que la version donnée par ses parents n’est pas fondée, ils vont perdre leur crédibilité vis-à-vis de lui en grandissant. De même, pour que l’enfant puisse venir poser des questions sur la sexualité, il faudrait que la gêne soit brisée dès le jeune âge, que l’adolescent puisse venir demander sans être réprimandé.
Quelles sont les principales sources d’information des adolescents et jeunes du Mali sur la santé et les droits sexuels et reproductifs ?
Les adolescents et jeunes scolarisés préfèrent les téléphones portables, les réseaux sociaux ou d’autres sources auxquelles ils ont accès à travers leurs téléphones, ensuite les enseignants puis les parents.
En ce qui concerne les adolescents et jeunes non scolarisés, il y a les parents et les autres membres de la famille, les leaders religieux, les pairs et les ami.es au niveau des centres d’information ou des grin. Il faut signaler que ces sources sont surtout l’apanage des adolescents qui n’ont pas été à l’école ou qui n’ont pas fait d’études poussées. Les filles non scolarisées préfèrent que l’information vienne des mères.
Quels sont les obstacles à la communication avec les jeunes sur la sexualité ?
Ils sont surtout liés aux pesanteurs et au vécu socio-culturels. Les parents n’ont pas l’habitude de parler de sexualité avec les enfants. C’est quelqu’un d’autre qui s’en occupait. Maintenant, avec l’urbanisation, les grands-parents ne vivent plus avec nous. Les parents n’ont pas les compétences qu’il faut pour en parler aux enfants. Nous devons admettre cela et nous outiller pour faire face à la question. Les enfants aussi pensent qu’ils n’ont pas le droit d’en parler avec les parents et les pesanteurs jouent sur la qualité de la communication entre parents et enfants.
Quel rôle les médias traditionnels, les réseaux sociaux peuvent jouer ?
Les médias doivent surtout aider les parents à avoir les compétences, mettre la bonne information à leur disposition pour qu’ils puissent échanger avec les adolescents et jeunes. Et faire comprendre aux adolescents et jeunes les difficultés des parents à pouvoir discuter avec eux. Les médias doivent amener les adolescents et jeunes à comprendre que tout ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux, internet ne doit pas être reproduit.
Quelles recommandations pour l’amélioration de la stratégie de communication ?
En prenant exemple sur moi-même, je dirais qu’il faut aller petit à petit pour prendre l’habitude. Il faut y aller très tôt avec l’enfant et répondre à toutes ses questions. S’il demande « Maman, d’où vient le petit frère ? », qu’on ne dise pas qu’on l’a acheté au marché. Parce que quand il saura que le bébé ne s’achète pas au marché, ça va créer des problèmes.
Il faut leur donner les informations adaptées à leur âge, et petit à petit on arrive à communiquer sans gêne sur les aspects auxquels l’enfant va être confronté aux différents stades de son développement.