Les autorités du Burkina Faso ont décidé d’armer des civils dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Une loi allant dans ce sens, portant création des « Volontaires pour la défense de la patrie », a été adoptée par l’Assemblée nationale et promulguée le 29 janvier dernier.
Le Burkina Faso, aussi appelé « pays des hommes intègres », comme ses voisins (Mali, Niger), subit de plein fouet les attaques meurtrières des groupes extrémistes violents. Ces violences ont causé plusieurs morts et provoqué des déplacements de populations.
Ainsi, pour faire face à cette spirale de la violence, le président Roch Marc Christian Kaboré a ordonné de former des civils et de les armer dans le cadre de la lutte contre les groupes extrémistes violents. Cette décision, motivée par l’incapacité de l’armée régulière à faire face à ces groupes, risque d’ouvrir la boite de Pandore pour le Burkina Faso voire tout le Sahel.
Risque de guerre civile
Les groupes extrémistes violents ont toujours exploité les faiblesses structurelles d’un pays pour s’implanter. Le Burkina Faso ne fait pas exception. L’instrumentalisation des conflits locaux liés à la gestion des ressources naturelles, les amalgames, la pauvreté endémique sont, entre autres, les facteurs sur lesquels prospèrent ces groupes dans les pays du Sahel. « L’intensification de la violence liée aux conflits locaux au centre du Mali, au Burkina et à la frontière Mali-Niger est présentée, selon de nombreuses analyses, comme résultant principalement d’une instrumentalisation par les groupes extrémistes », lit-on dans un rapport de l’Institut d’études de sécurité (ISS). Aussi, la hausse de l’insécurité au Sahel a-t-il ouvert un boulevard à la vente d’armes, créant un marché d’armement à ciel ouvert.
Au regard de ce qui précède, la décision d’armer des civils reviendra à accentuer le chaos avec plus d’armes dans la nature, et à faire de ces citoyens des justiciers ou encore des détenteurs du monopole de la violence. Les règlements de compte entre civils se multiplieront. Les populations vivant dans des zones où l’insécurité a tué toute activité économique risquent de basculer dans des activités criminelles au lieu de s’attaquer aux groupes extrémistes violents.
« De la chair à canon »
La violence des groupes extrémistes violents dans le Sahel vise majoritairement les symboles de l’État central. Jusqu’à récemment, avec les tueries de civils au Burkina Faso, les attaques visant directement les populations étaient rares. D’ailleurs, les groupes cherchent à mettre la population de leur côté, tant que cette dernière accepte de se soumettre à leur diktat et ferme les yeux sur leurs activités.
Or, armer les civils est une manière de dire aux groupes extrémistes qu’en plus des forces régulières, ils ont désormais d’autres adversaires plus nombreux mais moins équipés. De la chair à canon. Si l’armée régulière burkinabè mieux équipée et entrainée n’est pas capable de faire face aux groupes extrémistes violents, des civils avec des moyens rudimentaires ne seront que des « amuse-gueules ». Leurs équipements payés avec l’argent du contribuable burkinabè iront renforcer l’arsenal des groupes djihadistes.
Alors que l’élection présidentielle couplée aux législatives est prévue le 22 novembre prochain, armer des civils reviendrait à ouvrir la possibilité à toutes les dérives. La lutte contre le terrorisme fragilise déjà les forces de défense et de sécurité. Elles ne pourront pas faire face aux éventuels conflits locaux qui éclateront en raison de la distribution des armes aux populations. Bien qu’au Mali l’État n’ait pas armé officiellement des civils, ce qui se passe dans le plateau dogon est un cas d’école.