Les évènements de mars 1991 devaient marquer un tournant décisif au Mali. A bien des égards, le vent de la démocratie avait soufflé après ce qu’on appelle la « révolution de 1991 ». Mais pour de vrai ou de bon ?
À la lumière de 30 ans de pratique démocratique dans la vie de la nation malienne, il est difficile de parler de véritable démocratie. C’est dire qu’à ce stade encore, nous peinons à comprendre les grosses taches noires sur le fronton de la démocratie malienne. Celles-ci sont pourtant visibles du sommet de l’État à la petite population, au point qu’aujourd’hui on parle unanimement de refondation du pays.
Le système de gouvernance instauré s’est montré inefficace. Les régimes successifs ont été confrontés à des crises liées à la gouvernance. En laissant la corruption et l’impunité gangrener tous les secteurs de la vie publique au Mali, les hommes politiques– qui ont eu en charge la gestion de ce pays durant les trente dernières années– ont favorisé la mise en place des conditions d’une contestation permanente des pouvoirs qu’aucun mécanisme, si puissant soit-il, ne pourrait empêcher.
Contestations tous azimuts
Tout comme la plupart des démocraties en Afrique francophone, celle du Mali est aussi jeune. Cependant, son histoire montre qu’elle fut constamment exposée à la vulnérabilité liée au décalage entre les actions menées par les autorités et les attentes des populations. Résultat : une perte de confiance et un sentiment de frustration croissant, exposant le pouvoir à des mouvements de contestation.
Le processus électoral au Mali, à lui seul, cristallise tous les mécontentements qui finissent par donner naissance à des contestations. La dernière en date fut celle du Mouvement du 5 juin–Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) qui, entre mai et juillet 2020, réclamait la démission du président Keita. Les mobilisations dans la rue ont amené l’armée à intervenir pour contraindre le président Ibrahim Boubacar Keita à la démission.
Cette contestation a assez édifié l’opinion publique de l’absence de culture démocratique au Mali. En effet, on peut estimer, sans risque de se tromper, que le bon sens démocratique manque, surtout aux acteurs issus des couches socioprofessionnelles et religieuses associés d’une manière ou d’une autre à la gestion de la chose publique ces derniers temps.
La crise sociopolitique qui secoue l’État du Mali renseigne que la plupart de nos leaders, sur la scène politique ou la sphère publique, deviennent prisonniers des moyens qu’ils utilisent pour régler leur compte avec le pouvoir. Pourtant, l’accent devait être mis sur l’éthique, la capacité de faire confiance à l’autre qui restent des éléments largement structurants du champ d’action politique.
Encore sous cette transition en cours au Mali, les gesticulations théâtrales n’en finissent pas. Par exemple, le refus de participer aux travaux de réformes politiques et institutionnelles par l’opposition politique, en l’occurrence le M5-RFP, ne dénote-t-il pas de cette absence de culture démocratique au sein de la classe politique ?
Culture démocratique et éthique
Visiblement nombreux sont les hommes politiques qui n’ont cure du respect de l’État de droit. Pour la plupart d’entre eux, il se limite à la seule satisfaction de ce qu’ils exigeraient du pouvoir. Le rapport de force est devenu la spécialité de tous. Avec le refus de tenir compte du contexte qui prévaut avant le début de toute contestation, certains acteurs (politiques, société civile, syndicats, religieux) n’hésiteront pas à surfer sur l’inefficacité du système à traiter de certains problèmes des populations dans le temps et dans l’espace. Il est de coutume au Mali que certains s’abritent derrière la démocratie pour démolir la République.
La crispation, qui a découlé des élections législatives de 2020, illustre à suffisance que la seule chose qui vaille lors d’une élection au Mali est d’être élu. Il y a encore du chemin à faire dans la mesure où les formations politiques qui ont pour rôle d’inculquer aux citoyens le bon sens démocratique, d’aider à comprendre l’enjeu d’une élection sont préoccupés par les sièges au cours d’une échéance électorale.
C’est pourquoi la refonte du système électoral annoncée dans la feuille de route de la transition est une opportunité pour instruire dans les mécanismes de gestion du processus électoral au Mali la culture démocratique et la notion d’éthique.
- Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas forcément celles de Benbere.