Apprendre l’anglais au Ghana : l’envers du décor (4). Les étudiants venus apprendre l’anglais font face à divers problèmes dont ils parlent peu à leur retour au pays. Souvent, il vaut mieux ne pas être « francophone », au risque de s’attirer la méfiance. Un choc d’altérité que risquent de connaître ceux et celles qui choisissent le pays de Nkrumah pour un séjour linguistique.
Cela peut paraitre paradoxal, mais la majorité des habitants de la capitale ghanéenne, Accra, préfère les langues locales à l’anglais. « L’anglais étant la langue officielle, je pensais que plus de la moitié de la population la parlait, et que l’apprendre serait très facile », témoigne Albert, un étudiant désillusionné par la réalité. Arrivé au Ghana pour quatre mois, il a finalement prolongé son séjour de 9 mois de formation. « J’ai compris que le niveau que je voulais atteindre en anglais nécessitait plus de temps de formation ».
Ahmed, un autre étudiant venu pour améliorer son anglais au pays de Nkrumah, avait les mêmes idées reçues. Il a fini par se rendre compte de la différence entre l’anglais parlé par la population et celui enseigné à l’école. « J’employais des mots entendus dans la rue sans savoir qu’ils n’étaient pas corrects ». C’est l’un de ses encadreurs qui a attiré son attention sur la nuance.
« Expressions idiomatiques »
« Une fois inscrits dans une école, certains étudiants relâchent. Ils pensent que l’anglais est déjà dans leur poche. Bien que langue officielle, les habitants ne le parlent pas assez. Il est influencé par les expressions idiomatiques et les règles syntaxiques des langues locales », explique Samuel, un enseignant chargé de cours de langue.
Un constat partagé par Omar. Cet autre étudiant en langue ajoute que parmi ceux qui parlent anglais, certains préfèrent s’exprimer dans leur langue maternelle, même en présence d’étrangers. « Les Ghanéens n’aiment pas parler anglais, spécialement les Anka. À moins que la personne soit allée à l’université », justifie Modeste, un autre enseignant. Les Anka constituent un groupe de plusieurs ethnies et représentent environ 47, 5 % de la population ghanéenne.
Choc d’altérité
Fabrice est un businessman camerounais résidant au Ghana. Il trouve une explication à donner à ce contraste : « Certains d’entre eux pensent que les francophones sont plus favorisés qu’eux ». « Certains sont axés sur les affaires et voient les étrangers comme ceux qui ont plus d’argent qu’eux. Cela les frustre ».
« Vous êtes plus à l’aise que les natifs, vous vivez dans le confort pendant que nous, nous souffrons », avait un jour lancé une institutrice à Yolande. Le hic, c’est qu’elle n’est pas la seule à penser ainsi. Otey, un retraité, estime que c’est à cause des francophones que la vie au Ghana est devenue chère. « Avant l’arrivée de cette masse d’étudiants, tout était moins cher. Naguère, un logement de 200 cedis (environ 20 000 F CFA) par mois était une grande maison. Maintenant, les propriétaires nous propose des taudis à des prix exorbitants. Et quand on refuse, les francophones acceptent et paient souvent plus ».
Allaye témoigne qu’il avait l’habitude d’aller discuter avec des Ghanéens en anglais. Tout se passait bien jusqu’au jour où ils lui ont posé la question : « Are you a Francophone ? ». Quand il a répondu par l’affirmative, ses interlocuteurs lui ont jeté à la figure un « Ah tchalé ! », (« Ah mon gars ! » dans la langue populaire). Comme pour marquer leur déception d’avoir perdu leur temps. Depuis ce jour, à chaque fois qu’il apparaissait, les autres ne parlaient que la langue locale. « J’ai laissé le coin et faisais le tour des boutiques pour mes achats afin de pouvoir échanger en anglais avec les vendeurs », conclut-il.