Mali : chronique d'une génération « flouée »
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Mali : chronique d’une génération « flouée »

Dans ce billet sarcastique, le blogueur Mohamed Coulibaly raille  les propos sur des hélicoptères du président de la commission défense de l’Assemblée nationale, selon lesquels on aurait été « floués à l’achat ». Pour lui, sa génération est « flouée ».

En écrivant ces lignes, le flou règne dans ma tête. Pourrais-je arriver à plus de lucidité d’ici la fin de ce billet ? Peut-être que oui, car même si mon avenir semble flou, mon espoir et ma fierté floués, je n’ai d’autres choix que de croire que ce flou finira par me quitter et ira flouer ceux qui nous flouent. Ça sera alors l’arroseur arrosé.

Commençons par le début. Il y a plus d’une semaine, lors d’un colloque à Paris, le président de la commission défense de l’Assemblée nationale, Karim Keïta, a déclaré à propos de deux hélicoptères de l’armée malienne : « Les hélicoptères que nous avons achetés ne peuvent plus voler, ça marchait au début mais vraisemblablement, on a un problème d’entretien depuis l’achat. Je me demande si, on n’a pas été floués à l’achat ». Je ne dirais pas que c’est le fils du président, car il ne faut pas tomber dans ce panneau-là. Mais une seule chose à retenir : « Nous avons été floués. »

Je viens d’un pays beau, grand et riche de sa culture et des braves guerriers qui ont forgé sa grandeur. Ce passé, qui a forgé notre imaginaire collectif, faisait notre fierté.  Qui n’était pas fier de dire devant le premier étranger rencontré : « Je viens du Mali,  le Mali de Soundiata,  le Mali qui abrite Tombouctou la mystérieuse et ses mausolées , la mosquée de Djenné, les falaises de Bandiagara,  le Tata de Sikasso,  le Tombeau des Askia et les belles dunes de sable de Kidal. »

«Décadents»

Mais, cette beauté du Mali a été flouée.  Sa grandeur flouée. Sa richesse culturelle flouée, et aujourd’hui même son existence est flouée. Comme un homme célèbre malien, historien contemporain de formation, aime à le dire, « nous fûmes, quand d’autres n’étaient pas ». C’est vrai, nous fûmes. Nous fûmes avant que lui et sa génération de « néo-démocrates » nous flouent. Une méchante langue a une fois répondu que « nous « fûmes » tellement qu’aujourd’hui nous ne sommes que des mégots de cigarettes ».

Et dans le poème Les ruelles de conscience populaire de son recueil L’Être et la volonté, l’avocat Me Zana Koné dit tout : « L’Égypte dans la mémoire de l’histoire / Un jour fut pharaonique ! / Mais l’invocation des pharaons de l’histoire / Ne saurait construire une œuvre pharaonique / O peuple ! Sors donc des souvenirs touffus / Avant que le présent ne te fuit ! / Nous savons désormais ce que nous fûmes / Est donc venu le temps de démontrer / Ce que nous sommes / Car les descendants impuissants / D’ancêtres puissants / Sont souvent appelés décadents. »

Risée du monde

Floués dans notre orgueil, nous devenons de plus en plus, sinon si nous ne le sommes pas déjà, la risée du monde. Floués par les politiques,  floués les religieux,  floués par les activistes,  floués par les leaders de jeunesses,  floués par des journalistes peu scrupuleux, floués par des responsables de communauté aux agendas cachés, floués par les hommes d’affaires, floués par notre système éducatif floué, floués et encore floués, même notre armée à été flouée.

Je sais,  ma crainte au début  de ce billet n’a pas été levée. Je ne pense d’ailleurs pas avoir été lucide tant le flou me submerge encore,  maintenant que j’arrive à la fin.  Mais,  ma foi , ce flou n’est que l’expression de la réalité du sentiment de bon nombre de mes concitoyens. Je ne vous raconte pas de charabia,  je n’ai pas ce talent, hélas. Il suffit juste de regarder autour pour se rendre compte que notre génération a été FLOUÉE.

 

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