Les manuscrits anciens de Tombouctou sont confrontés à de nombreux défis en termes de préservation, d’exploitation voire de valorisation.
Le jeudi 1er décembre 2021, a eu lieu une réception dînatoire autour des manuscrits anciens au Mali. La soirée, axée sur un concept dénommé « dialogue pour la culture au Mali », a été riche en interventions, projections et discussions autour des manuscrits anciens.
Ces documents sont incontournables dans notre histoire, car témoignant d’un passé riche. Produits par des savants, historiens, enseignants, théologiens, voyageurs – certains connus, d’autres anonymes – sur des sujets variés, ils invalident les idées reçues selon lesquelles l’Afrique n’a pas écrit. A l’opposé de la tradition orale, les manuscrits, eux, ont traversé le temps.
Identifier, répertorier et protéger les manuscrits
En 2012, en pleine occupation des régions du nord par une mosaïque de groupes armés, les manuscrits ont fait l’objet de pillage : « Près de 4 000 manuscrits ont été dérobés ou détruits par les djihadistes. C’est important de répertorier et protéger ce qui nous reste aujourd’hui afin que les Maliens et l’humanité entière puissent en profiter », a plaidé Dr Bazoumana Traoré, consultant et expert en gestion et valorisation des manuscrits anciens.
Cet épisode malheureux a fait accroitre l’intérêt du gouvernement malien mais également d’organismes internationaux, comme l’Unesco ou encore l’Union européenne, pour les manuscrits. « Les jeunes maliens ont le droit de connaitre leur patrimoine national. Cela passe par l’identification, le répertoriage et la protection de ces richesses », a déclaré Bart Ouvry, l’hôte de la réception dinatoire.
Tous les acteurs ont souligné que la sauvegarde et la valorisation des manuscrits est une urgence. L’ONG Sauvegarde et valorisation des manuscrits pour la défense de la culture islamique (Savama DCI) en a fait son cheval de bataille depuis bientôt une décennie. La structure a pu conserver en lieux sûrs des centaines de milliers de manuscrits venus de Tombouctou et de Ségou.
Conditions de conservation
Pour ce qui est de la situation générale actuelle des manuscrits, 33 localités, parmi lesquelles 18 à travers 8 régions, sont identifiées. Cinq cent onze mille trente-deux manuscrits anciens ont été localisés, mais sont dans une extrême fragilité en raison de l’état mitigé de leurs conditions de conservation, selon les experts.
Un autre point essentiel : le faible taux de mise en valeur, de diffusion et de promotion des manuscrits. La plupart de ceux qui ont été repérés sont détenus par des familles ou des collectionneurs privés. L’étude Enjeux, défis et perspectives des manuscrits anciens du Mali, menée par Dr Traoré, estime à 490 726 les manuscrits anciens qui se trouvent dans des bibliothèques ou centres localisés à Ségou, Tombouctou, Djenné, Mopti, Gao, Ansongo, Taoudéni, Boujbeha et Kayes. L’étude estime aussi à 20 306 le nombre de manuscrits qu’on retrouve directement chez des familles.
Réfléchir en synergie sur le futur des manuscrits était le but de la soirée. Des propositions aussi pertinentes les unes que les autres n’ont pas manqué d’être exposées : la numérisation des manuscrits, leur traduction en français, la langue officielle du pays afin de les rendre plus accessibles, en faire des livres.
« Il faut une politique claire, soutenue par une vision réaliste. Les manuscrits sont confrontés à de nombreux défis, notamment celui de la préservation, de leur sauvegarde mais surtout de leur exploitation ainsi que leur valorisation. », conclut le ministre de l’Artisanat, de la culture, de l’industrie hôtelière et du tourisme, Andogoly Guindo.