Tribune : au Mali, impliquer les populations locales dans la résolution du conflit
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Tribune : au Mali, impliquer les populations locales dans la résolution du conflit

Le conflit malien actuel peut certes être abordé via un schéma d’implication et de financements actifs des acteurs institutionnels. Mais sa résolution nécessite d’impliquer les populations locales et des acteurs clés des territoires. 

L’approche que je propose ici passe par une considération de ce conflit comme une forme de socialisation inscrite dans une perspective interactionniste et positive. Donc, une participation accrue des groupes sociaux locaux et des acteurs clés des territoires. Cette approche garde tout son sens dans la mesure où l’interaction entre les différents acteurs, les populations y compris, est forcément socialisante. Ce conflit est une forme d’interaction et de socialisation. 

Dans le conflit malien, nous avons des acteurs internationaux, des autorités d’un État souverain, des chefs traditionnels, des ex-rebelles, des milices d’autodéfense communautaires, des chefs « djihadistes » et surtout des populations locales. Ces acteurs défendent chacun des intérêts et des causes. Mais ce qu’on oublie souvent d’évoquer, c’est que tous acteurs sont en interaction depuis plusieurs années maintenant. Ils échangent, vivent pour certains ensemble et partagent un certain nombre de pratiques quotidiennes. 

Ceci évoqué, on se doit de garder en tête que, de façon générale, le conflit relie. Mais ce sont ses causes, en l’occurrence la haine, les envies, les intérêts qui dissocient. Le conflit, en ce sens, est déjà la résolution d’une tension, car il fait le lien. Ainsi, il s’agit de quitter une approche durkheimienne du conflit malien, destructrice et négative, pour tendre vers celle plus proche de la pensée Simmelienne (George Simmel), dynamique et positive. Et, dans ce sens, se focaliser sur le fait qu’aucun groupe n’est purement centripète : tous sont aussi animés par une force centrifuge. 

Désintégration des groupes sociaux

L’approche dynamique et interactionniste mais surtout positive de ce conflit permet d’établir un certain nombre de fonctions au niveau des groupes sociaux communautaires. Une première fonction de ce conflit réside dans le renforcement de la conscience des impacts du conflit. Les populations communautaires sont tous conscients, à ce jour, des impacts de ce conflit. Le langage et l’expression de ces impacts peuvent ne pas être les mêmes ni exprimés d’une façon académique ou conventionnelle. Mais il s’agit bien de la compréhension des impacts.

Cet aspect est positif dans la mesure où il illustre une compréhension du conflit par les populations et, par conséquent, fait d’elles des acteurs dont l’implication facilite le processus de paix. Une seconde fonction est la préservation de la cohésion du groupe social. Cet aspect est également positif dans la mesure où il conduit, au final, à la stabilité du système social. En d’autre termes, les communautés ou groupes sociaux territorialisés au Mali assistent depuis 2012 à une forme de désintégration des groupes sociaux et du système social global.`

Attachement à la cohésion des groupes sociaux communautaires

Cependant, ce processus de désintégration, on s’en souvient, a été suivi presque directement par la création d’associations, de groupements identitaires et communautaires. Ces mouvements ont pour certains échoués et d’autres ont conduit à des affrontements intercommunautaires. Il ne s’agit pas ici d’analyser les raisons de ces échecs et affrontement ( un autre sujet), mais de noter surtout que ces mouvements sont marqués par l’attachement à la cohésion des groupes sociaux communautaires. 

Une troisième fonction de ce conflit réside dans la prudence développée au sein des groupes sociaux. Une quatrième est  dans le renforcement des pouvoirs des chefs locaux (traditionnels, rebelles, djihadistes etc.). Une cinquième fonction se retrouve dans le fait de comprendre qu’il s’agit finalement d’un conflit idéologique. Cette compréhension est intéressante dans la mesure où elle minimisera les chances de voir un conflit similaire après la résolution de l’actuel. Une sixième fonction est celle de la dimension « investissement émotionnel » des groupes sociaux et des autres acteurs. Un aspect fondamental car, comme la précédente, elle anéantira l’émergence facile de nouveaux conflits ou de conflits similaires. Et enfin, ce conflit va surtout mobiliser les groupes sociaux face aux dangers extérieurs. Ces différentes fonctions non exhaustives du conflit malien actuel montrent qu’il faut impliquer les populations locales dans la résolution de la crise. Il s’agit, en effet, d’une crise sociale dynamique qu’il faut approcher dans une perspective positive et interactionniste. 


Mohamed Maïga est ingénieur social, intervenant sur les politiques socio-économiques de territoire. Il est le directeur de Aliber Conseil.

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Les commentaires récents (1)

  1. J’ai trouvé cet article très intéressant.
    Dans la résolution d’une crise , c’est important d’impliquer pas seulement les acteurs mais aussi la population instruites et la non instruites.
    De plus, je vais plus loin, il faut dire que tout politique mise en place sans les personnes concernées ou sans leur implication il est difficile d’apporter la solution à ce problème.